Guissen, ancien nom de Guiche : étymologie et histoire

Le village que nous connaissons aujourd’hui sous le nom de Guiche s’est longtemps appelé Guissen dans les textes médiévaux. Ce nom apparaît dans les parchemins dès le XIᵉ siècle et reste utilisé de manière officielle, en latin comme en gascon, jusqu’à la fin du Moyen Âge.

Du XIᵉ au XVIIᵉ siècle : Guissen, Guischen, Guyssen… Les multiples écritures d’un même nom

D’où vient ce nom ?

L’origine du mot renvoie au calcaire et à la chaux qui abondent dans la région de Guiche. Le terme viendrait du latin gypsum (plâtre, chaux), passé à la fois dans le gascon et dans le basque. En basque, on retrouve ce radical dans le mot Gixune, qui signifie aussi « lieu de chaux ».

Ce lien avec la pierre et la chaux est très parlant pour un village bâti sur un terroir calcaire, où l’on exploitait autrefois de nombreuses carrières.

D’un nom médiéval à la forme actuelle

Le nom du village figure dans de nombreux parchemins depuis le XIᵉ siècle (guissen ou villaguissen en 1083). Jean-Baptiste Orpustan, historien et linguiste, précise :

« C’est, selon toute apparence, un dérivé de gisu « chaux », emprunt ancien au latin gipsu […] Phonétiquement, le suffixe inaccentué a subi dans le nom officiel un affaiblissement du timbre vocalique (guissen médiéval) jusqu’à l’-e muet du nom français moderne (Guiche) : la même évolution s’observe dans le nom voisin de Bidache, résultat d’une utilisation intense et précoce en langue romane, sur un territoire où le gascon a dû progresser très vite aux dépens du basque.

La chuintante moderne notée -ch- en français est issue de l’interprétation gasconne du -s- apical basque de gisu, et a dû être ensuite reprise par le basque au roman, l’analogie avec Bidache jouant encore. Il faut noter que si le territoire de Guiche est peu basque aujourd’hui, les 2/3 des domaines portaient encore des noms basques au XIVᵉ siècle. »
Orpustan J-B., 1991, Toponymie basque, Presses Universitaires de Bordeaux, p.20

Des écritures variables : ss ou ch

Dans un parchemin daté de 1339, le nom de Guiche apparaît encore sous la forme Guissen, avec ss. Mais d’autres noms propres mentionnés dans le même document utilisent déjà ch, comme Orchoette (aujourd’hui Itchouette), issu du basque et signifiant « l’endroit où il y a des loups ». Ces variations montrent la coexistence de plusieurs influences linguistiques, basque et gasconne.

Peu à peu, la graphie française s’impose surtout à partir du XVIIᵉ siècle avec la montée en puissance de la famille Gramont. Installés à la cour du Roi de France, leur titre de « comte de Guiche » accélèrent l’adoption de la forme française, au détriment de l’ancien Guissen.

Pourquoi écrit-on parfois « Guishe » ?

De nos jours, l’Académie gasconne propose la forme Guishe. Cette graphie cherche à refléter la prononciation gasconne traditionnelle, en évitant que l’orthographe n’influence trop les nouveaux locuteurs.

Ainsi, si l’étymologie plaide en faveur de Guissen, la forme Guishe permet de conserver la cohérence de la prononciation dans les pratiques actuelles.

Un nom, une identité

Derrière ces discussions d’apparence savante, il y a un enjeu important : celui de la mémoire et de l’identité locales. Les noms de lieux racontent l’histoire des territoires. Modifier leur forme, c’est parfois risquer d’effacer une partie de ce passé.

Entre Guissen, la racine latine de la chaux, Gixune, son reflet en basque, et Guiche, la forme française actuelle, se dessine tout un pan de l’histoire du Bas-Adour, où se croisent et s’entrelacent les langues et les cultures.